Entretien semi-dirigé mené avec un.e spectateur.trice du spectacle Les Bonnes de Robyn Orlin, d’après le texte de Jean Genet, dans le cadre d’un projet de recherche sur l’interprétation politique du théâtre contemporain.
Informations sur la source
Code d’identification : #Bonnes5
Date : Septembre 2020
Protocole : Entretien semi-dirigé
Profil de l’enquêté.e :
Remarques : Entretien basé sur l’accueil du spectacle au Festival de la Batie, Genève, aout-septembre 2020.
En deux mots vous avez apprécié le spectacle ?
Concrètement, sur le paper oui. L’idée est bonne, tu pas d’une question raciale. Tu vends quelque chose de sociologiquement engagé en partant d’un vieux texte. ça a l’air cool. Mais au fur et à mesure bof. Au début j’ai bien ri, je suis entré dans le dispositif, mais après ça dégringole quoi. Déjà, tu te dis ok, des acteurs racisés dans les Bonnes, c’est un geste politique, ok, mais au bout de cinq minutes on oublie. Et en plus tu mets des hommes, qui jouent des femmes. Du coup, après, tu mets des hommes blancs qui jouent une femme avec deux personnes racisés. Pourquoi ? Pourquoi ce choix ? Le jeu a viré à la caricature, ce qui est très problématique pour moi. Ce sur quoi j’étais plutôt motivé s’est effondré, et à la fin c’est un spectacle que j’ai jugé profondément dérangeant.
Pourriez-vous résumer votre expérience du spectacle ?
En entrant dans la salle, je voyais déjà une certaine population, beaucoup de personnes LGBTQI+ comme moi, reconnaissables, j’en connaissais la plupart. Tu vois à quel public ça s’adresse. Et tu vois ce personnage de Madame. Tu trouves ça extravagant, joli, beau. En rentrant, c’est plutôt agréable, il y a une diversité dans le public, bon, du public de la culture quoi. C’était assez agréable. Les moments qui m’ont marqué c’est vraiment l’entrée de Madame, où en fait c’est très drôle, mais ça ne fait que des rebonds, c’est drôle, et hop c’est plus drôle, que des aller-retours entre des moments de la pièce. La scène était intéressante, mais bon c’était pas très rempli non plus. Il y a beaucoup de lumières, un gros dispositif, mais tu t’attends à ce qu’il y est plus de choses, mais tout se passe sur une petite partie du plateau, ce qui est un peu dommage. Je crois que le jeu, le texte au début, c’est intéressant d’avoir un vieux texte comme ça, une ancienne manière de parler, mais finalement c’est tordu et cool à la fois, tu sens qu’on peut se l’approprier : mais au profit de quoi ?
Selon vous, qu’a cherché à faire Orlyn avec ce spectacle ?
C’est très personnel, mais je crois qu’elle a voulu parler de la condition sociale des personnes racisées, dans une pièce qui parle déjà de condition sociale. En rajoutant deux personnes noires, je vois le message derrière, même avant que les personnages ou les acteurs se mettent à parler. ça parle de l’esclavage passé, de comment on traite des personnes racisées aujourd’hui. En prenant une vieille pièce, elle montre qu’on est toujours en train de reconduire les vieux schémas d’oppression des personnes noires par les personnes blanches.
Vous avez pensé quoi de la fiction elle-même ? Vous vous êtes senti impliqué dans l’histoire ?
C’est une excellente question. Je crois pas. J’ai pas été pris du tout par les personnages. Mis à part peut-être les cinq premières de chaque personnage, parce que tu les découvres, tu découvres leur corps, leurs voix. Mais après, ça traine en longueur, ça s’étiole, tu te perds. Et puis ils parlent d’une manière bien trop ancienne et compliqué pour que tu puisses te sentir proche d’eux.